cortil du Coq Hardi
Coq Hardi
Coq Hardi (cortil du) D6
Conseil communal du 20 novembre 1990.
Toponyme créé (toponyme non descriptif).
* Thème du patrimoine wallon.
Le « cortil du Coq Hardi », où a élu domicile en 1991 la Fondation wallonne Pierre-Marie et Jean-François Humblet, a échappé de justesse, grâce à cette dernière, au nom plus banal de « chemin de la Pente ».
* Terme héraldique désignant un coq, la dextre levée. Depuis l’été 1913, un coq hardi « de gueules » — c’est-à-dire rouge sur fond d’or — sert de drapeau à la Wallonie. Le choix de ce symbole n’est pas le fruit du hasard. En tant que « signe » identitaire, un drapeau n’est jamais une création ex-nihilo nihil. Il n’acquiert pleinement son sens qu’associé ou opposé à une autre emblématique. Et c’était bien le cas en 1913. Des personnalités wallonnes, libérales ou socialistes pour la plupart, estimèrent à ce moment que, face à une Flandre flamingante en manifeste ascension politique, il convenait d’affirmer une « identité » et des intérêts très peu représentés au sein d’un gouvernement dirigé par la famille chrétienne depuis 1884. Le 20 octobre 1912, une Assemblée wallonne s’était réunie à Charleroi. Une de ses sections avait reçu pour tâche de pourvoir la région d’une symbolique spécifique à tous niveaux. Le 16 mars 1913, son porte-parole, Richard Dupierreux, présenta la conclusion de ses travaux. Pour le drapeau à proprement parler, il conseillait de choisir les couleurs blanche, rouge et jaune en bandes verticales, même si les personnes déjà consultées penchaient plutôt pour le jaune et le rouge, qui avaient été celles, autrefois, de la principauté de Liège. Il proposa ensuite d’intégrer le coq dans l’écu : aucune des sous-régions ne pouvant le revendiquer — il ne figurait que dans le blason de Limelette (Brabant wallon) —, toutes pourraient l’adopter. Mais au-delà, sa représentation était attachée depuis le XIIe siècle au moins au peuple français, héritier des Gaulois (gallus signifiait à la fois gaulois et coq). Les régimes successifs établis sur les bords de la Seine en avaient fait un abondant usage, l’Empire excepté, et sa diffusion avait connu des sommets sous la IIIe République. On y avait en effet beaucoup glorifié les vertus de « nos ancêtres les Gaulois » dans un but parfois anticlérical (le Franc Clovis passait pour le fondateur de la France catholique), parfois chauvin (la défaite de Sedan, contre l’Allemagne, n’était pas très éloignée). Ceci pouvait expliquer ce choix. Mais lors du vote se déroula un quiproquo. L’assistance confondit l’écu et le drapeau. Elle porta son choix sur un drapeau blanc frappé en son cœur d’un coq rouge. Comme il y avait contestation, on décida de convoquer une autre réunion à Ixelles, le 20 avril 1913. Las, la confusion antérieure se reproduisit. Toutefois, ce fut un drapeau jaune au coq rouge qui fut adopté. Des pressions liégeoises étaient manifestement intervenues pour faire pencher la balance vers ces couleurs… à la grande colère des Hennuyers. On en resta pourtant là et Jules Destrée put faire publier dans le Moniteur de l’Assemblée le texte du décret commençant par : « La Wallonie adopte le coq rouge sur fond jaune, cravaté aux couleurs nationales belges ». Il chargea Pierre Paulus de dessiner l’oiseau en question. Son œuvre fut approuvée le 3 juillet 1913 par une commission d’artistes.
Jusqu’au déclenchement de la Grande Guerre, les sociétés régionalistes s’employèrent à le populariser. On ne l’arborait cependant que dans les centres urbains et la famille chrétienne demeurait réservée à son égard. Dans ces milieux, on ne se mit à l’accepter qu’au fil de l’Entre-deux-guerres bien que le cardinal Mercier l’eût gratifié très tôt d’une bénédiction, dès le mois de juin 1913.
L’émergence de la Flandre en tant qu’entité autonome, pourvue d’une symbolique identitaire forte, fit peut-être plus pour le répandre que ses exhibitions répétées par les tenants de la cause wallonne…
Au seuil des années 1970, alors que l’État avait déjà entamé sa mue institutionnelle, le drapeau wallon ne bénéficiait encore que d’une reconnaissance aléatoire, l’Assemblée wallonne d’avant 1914 n’ayant pas de caractère officiel. Il dut attendre le 20 juillet 1975 pour être reconnu officiellement par le Conseil de la Communauté culturelle française. Le fait régional ayant fini par s’inscrire dans le paysage politique belge, le coq de Paulus fut choisi par le gouvernement wallon comme emblème de la Région le 23 juillet 1998.
Bibliographie : EMW, I, 511-515 ; Y. Moreau, La genèse du drapeau wallon, dans EMVW, t. XVI, 1987, p. 129-174 ; M. Pastoureau, Dictionnaire des couleurs de notre temps. Symbolique et société, Paris, 1992 ; Id., Les emblèmes de la France, Paris, 1998, p. 62-83.
A. Colignon
* C’est à la demande de la Fondation wallonne Pierre-Marie et Jean-François Humblet, qui s’y est installée en 1991, que la place a pris le nom de « cortil du Coq Hardi ». Créée en 1987 par des amis et des proches de deux jeunes trop tôt disparus, Pierre-Marie et Jean-François Humblet, la Fondation wallonne porte tout naturellement leur nom. Cet intitulé et ce double patronyme dessinent tout un programme : la Fondation veut concourir à un renouveau du pays wallon, contribuer à la construction et à la reconnaissance de l’identité wallonne ; elle s’adresse prioritairement à la jeunesse, à laquelle Pierre-Marie et Jean-François Humblet, dont la Fondation porte le nom, ont été arrachés par un destin tragique. C’est une orientation vers la jeunesse qui explique l’implantation de la Fondation à Louvain-la-Neuve, lieu de la plus forte concentration de jeunes en Wallonie.
À côté d’un prix destiné à distinguer des travaux de fins d’études supérieures et d’un concours organisé alternativement dans l’enseignement primaire et dans l’enseignement secondaire, la Fondation s’est surtout préoccupée de fournir aux acteurs des différents terrains de l’éducation des instruments fondamentaux d’analyse sereine et de réflexion citoyenne en vue d’une insertion plus épanouie de la jeunesse de Wallonie, dans sa région bien sûr, mais aussi dans l’Europe et le monde. Elle a ainsi publié une série d’ouvrages, clôturant en général un cycle de trois années de réflexion sur un thème précis. Les thématiques abordées ont d’abord porté sur les imaginaires wallons et leurs rapports à l’identité (L’imaginaire wallon dans la bande dessinée, 1991 [2e éd., 1999] ; Images de la Wallonie dans le dessin de presse (1910-1961), 1993 ; L’imaginaire wallon. Jalons pour une identité qui se construit, 1994 ; De fer et de feu. L’émigration wallonne vers la Suède au XVIIe siècle. Histoire et mémoire ; 2002), ainsi que sur les lieux de mémoire qu’il importe d’inventorier pour que la Wallonie qui se construit puisse reconnaître son territoire et en poser les balises à la fois toponymiques et symboliques (Entre toponymie et utopie. Les lieux de la mémoire wallonne, 1999 ; Les noms de rue de Louvain-la-Neuve. Une ville nouvelle en Wallonie : modernité et enracinement, 1999). Les cycles suivants ont été plus directement centrés sur les problèmes de l’éducation : comment articuler dans l’enseignement la nécessaire solidarité avec les nouvelles communautés humaines qui nous font vivre : la Wallonie et l’Europe ? (Enseigner la Wallonie et l’Europe. Pour une éducation citoyenne, 2001) ; et une réflexion sur le choix des langues dans l’enseignement en vue d’ancrer les solidarités régionales dans de larges ouvertures à l’altérité (L’enseignement des langues en Wallonie. Enjeux citoyens et chances pour l’avenir, 2006).
Bibliographie : Pour la Wallonie. Fondation wallonne P.-M. et J.-F. Humblet. Vingt ans d’action wallonne (1987-2007) (Publications de la Fondation Wallonne P.-M. et J.-F. Humblet. Série Recherches, n° hors-série), édité par L. Courtois, J. Pirotte et C. Sappia, Louvain-la-Neuve, 2008.
L. Courtois