Les rues de LLN

allée du Recteur

rue: allée du Recteur
canton postal: 1348
localité: Louvain-la-Neuve
description:

Recteur

Recteur (allée du)            C5-C6-D6

Conseil communal du (/).

Toponyme créé (toponyme non descriptif).

* Thème du passé universitaire.

« Allée du Recteur » eût évoqué, d’après le témoignage d’Albert d’Haenens, la personne d’Édouard Massaux, premier recteur de l’Université catholique de Louvain installée à Louvain-la-Neuve. Il est probable que pour ne pas déroger à la règle qui veut qu’on ne donne pas à une rue le nom d’un personnage encore vivant, on ait songé évoquer la fonction en lieu et place de son titulaire… Longtemps, l’« allée du Recteur » a figuré sur les plans entre le « chemin des Sages » et la « Promenade de la Nuit de Mai ». Toutefois après contrôle, ce choix n’a jamais été ratifié par le Conseil communal, ce qui explique que le nom ait voyagé sans jamais atterrir officiellement [PV OL 7]…

* Lors de la fondation de l’Université de Louvain, le premier recteur Guillaume de Neefs, écolâtre du chapitre de Saint-Pierre de Louvain, avait été désigné par le pape Martin V (septembre 1426-mai 1427). Ses successeurs seront élus, au départ, quatre fois par an (en novembre, février, mai et août), puis, à partir de 1445, tous les six mois. La procédure se déroulait en deux étapes : le Conseil de l’Université désignait un collège électoral de cinq membres (un par faculté), lequel nommait le nouveau recteur parmi les docteurs et les maîtres des diverses facultés. Outre ses prérogatives honorifiques, le recteur jouissait de compétences judiciaires étendues sur l’ensemble des membres de la communauté universitaire, tant laïques qu’ecclésiastiques, ce qui explique qu’il devait impérativement être clerc. Pour le reste, il n’exerçait pas de responsabilités en matière de direction des études, lesquelles relevaient en fait des conseils de faculté, et il ne pouvait prendre seul des décisions qui engageaient l’Université tout entière.

Sous le Régime hollandais, Louvain fut le siège, comme Liège et Gand, d’une université d’État (1817-1835), mais dans le système très centralisé des universités hollandaises, le recteur n’occupait pas une place importante. Nommé pour un an par le roi sur proposition du Sénat académique (l’ensemble des professeurs ordinaires), il n’exerçait guère que des responsabilités disciplinaires.

Restaurée en 1834 dans le cadre de la liberté d’enseignement établie par la nouvelle constitution belge, l’Université catholique de Louvain est, sur le plan juridique, une université libre, mais placée directement sous l’autorité des évêques belges. Ces derniers étaient habilités à prendre toutes les décisions — en 1874, ils s’occupèrent même de la qualité de la bière servie au Collège Juste-Lipse ! —, leur pouvoir était en principe considérable : nomination du recteur, du vice-recteur et de tous les professeurs ; fixation de leur traitement ; contrôle de la marche de l’institution, etc. Mais dans la pratique cependant, la forte personnalité des recteurs et la complexité croissante des problèmes universitaires rendirent leurs prérogatives de plus en plus théoriques : si toutes les décisions relevaient en principe des évêques, dans la pratique, elles étaient prises par eux sur proposition du recteur, beaucoup mieux informé de la situation. Par ailleurs, au sein même de l’institution, tandis qu’il constituait le seul lien institutionnel entre l’Université et les évêques, le recteur exerçait un véritable pouvoir monarchique, aucune décision ne pouvant être prise sans son assentiment.

Jusqu’à la fin du régime unitaire (1968) le recteur, nommé à vie et portant le titre de « recteur magnifique », fut toujours un prêtre et exerça son autorité dans l’esprit des premiers statuts du 11 juin 1834. La crise des années 1960 allait profondément modifier les structures de l’Université, orientant celles-ci dans un sens plus démocratique. Pour ce qui est de la section francophone, les évêques cessèrent de constituer le Conseil d’administration qu’ils formaient depuis la loi de 1911 sur la personnification civile des universités, pour devenir un simple « pouvoir organisateur ». L’Université était désormais gérée, pour les questions scientifiques, par un Conseil académique, émanation de la communauté universitaire, et, pour les problèmes d’organisation et de financement, par un Conseil d’administration formé de techniciens. Nommé pour cinq ans par le pouvoir organisateur au terme d’une procédure plusieurs fois revue, le recteur exerçait ses attributions en accord avec le Conseil académique (affaires académiques) et le Conseil d’administration (gestion financière). Depuis les dernières réformes (2009), le recteur est élu au suffrage universel pondéré en fonction de l’appartenance au corps (académique, scientifique, technique et administratif, étudiant). Les projets de fusion entre institutions de l’Académie Louvain devraient sans doute modifier la donne, pour autant qu’elle reprennent un jour, mais les choses sont pour l’instant au point mort, sauf avec les Facultés universitaires catholiques de Mons.

Quant à la personnalité honorée à travers l’« allée du Recteur », Édouard Massaux, il fut recteur de 1969 à 1986. Premier recteur de l’Université catholique de Louvain, section francophone de l’ancienne université unitaire, il en fut également le dernier recteur « magnifique » nommé à vie. Né à Neufchâteau le 27 septembre 1920, prêtre du diocèse de Namur (18 mai 1944), il suivit un parcours universitaire exemplaire, à Rome et à Louvain. Bachelier en philosophie de l’Université grégorienne de Rome (1940), bachelier (1945), docteur (1948) et maître (1950) en théologie de l’Université de Louvain, licencié en sciences bibliques de l’Institut biblique pontifical de Rome (1951), il commença sa carrière scientifique au Fond national de la recherche scientifique, comme aspirant (1951-1953). Nommé professeur ordinaire à la Faculté de théologie en 1953, il enseigna l’exégèse du Nouveau Testament et la théologie morale fondamentale à la Schola minor, la critique textuelle du Nouveau Testament et l’histoire du milieu néo-testamentaire à la Schola major, l’Écriture sainte (le cours d’introduction) et la morale fondamentale à l’Institut supérieur des sciences religieuses, et enfin, la morale fondamentale à l’École de commerce, en première candidature. Bibliothécaire en chef adjoint de la Bibliothèque de l’Université (1960), il succéda à Mgr Étienne Van Cauwenbergh comme bibliothécaire en chef en 1961. Ses qualités d’administrateur comme responsable de ce qui était alors le plus gros service de l’Université, ne furent sans doute pas étrangères à sa nomination comme prorecteur de la section francophone en janvier 1965, à la mort de Mgr Litt, et comme recteur de celle-ci après la scission des deux universités catholiques (1969). Nommé dans des conditions très difficiles, il fut le recteur énergique du transfert à Louvain-la-Neuve et un promoteur infatigable de la recherche scientifique, tant au sein de son institution qu’auprès des pouvoirs publics, dans le contexte lui aussi très difficile de la crise financière de l’État belge. Devenu « recteur magnifique honoraire » en 1986, il se retira à Bioul et prit de plus en plus ses distances à l’égard d’une institution dont l’évolution pluraliste et laïque ne lui plaisait pas. C’est la qu’il décéda le 25 janvier 2008, ayant refusé par testament tout hommage officiel à l’occasion de son inhumation dans le caveau familial de Neufchâteau.

Bibliographie : Sur la fonction rectorale à Louvain, voir : UL 1425-1975, p. 40-41, 191-192, et 272-273. Sur Mgr Édouard Massaux, voir : De Leuven à Louvain-la-Neuve. Un recteur, des régionales. Catalogue de l’exposition du 18 avril au 2 mai 1986, Louvain-la-Neuve, 1986 ; É. Massaux, Dieu et mes père et mère. La foi de mon enfance à Neufchâteau d’Ardenne. 1920-1938 (Terres secrètes), Bruxelles, 1991 ; É. Massaux, Pour l’Université catholique de Louvain. Le « recteur de fer » dialogue avec Omer Marchal (Grands documents Didier Hatier. Histoire, récits, documents humains), Bruxelles, 1987 ; J.-P. Voisin, L’histoire rapportée et inachevée d’Édouard Massaux, prêtre et recteur. De Neufchâteau à Louvain-la-Neuve (Collection Hommes et destins), Paris-Bruxelles, 1986.

L. Courtois

→ Massaux.

     

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