parking des Borains
Borains
Borains (cour des) E7
Borains (parking des) E7
Conseil communal du 15 avril 1975 (cours). Domaine universitaire (parking).
Toponyme créé (toponyme non descriptif).
* Thème des gentilés.
Le parking, souterrain, est géré par l’Université, qui le loue à des particuliers.
* Par ce nom ethnique Borain, on a voulu rappeler les habitants d’une région de Wallonie au sud-ouest de Mons, le Borinage, région dans laquelle l’extraction de la houille est pratiquée depuis le Moyen-Âge. Le français commun a emprunté plusieurs termes au parler picard des houilleurs borains, par exemple coron, grisou, porion, etc. ; ce sont là des témoignages de l’importance du Borinage dans l’industrie houillère.
Il n’y a pas accord entre les géographes et les dialectologues pour fixer les limites du Borinage. La tradition populaire elle-même a connu des variations et, au début du xixe siècle, seuls se disaient Borains les habitants de Cuesmes, Jemappes, Quaregnon, Pâturages, Wasmes, Flénu et La Bouverie ; les gens de Boussu, Hornu, Frameries et Dour refusaient d’être considérés comme Borains. Au cours de la première moitié du xxe siècle se prétendaient borains les habitants de Wasmes, Quaregnon, Hornu, Boussu, Dour, Warquignies, Pâturages, Eugies, Flénu, Jemappes, Cuesmes, Wasmuël, ainsi que les habitants de Frameries et La Bouverie, dont le parler présente pas mal de traits les opposant aux autres Borains. Revendiquaient aussi le titre de Borains les habitants d’Élouges, Noirchain, Genly et Wihéries, ce qui leur était contesté dans les « vraies » localités boraines. Depuis la fusion des communes, on a étendu le nom Borinage à toute la région de Mons et au sud vers la frontière française.
Le mot borain est attesté au xviie siècle, d’abord au féminin : en 1644-1645, une maison de Mons s’appelle « Aux trois borennes » ; en 1655, un procès-verbal parle d’un « kar de borain ». Ce terme désignait d’abord les hommes et surtout les femmes qui transportaient le charbon. Voici une description de ces « boraines », faite par Gonzalès Decamps à la fin du xixe siècle :
« Très souvent le défaut ou le mauvais état des routes nécessitaient le transport de la houille à dos d’hommes. On employait de préférence pour ce travail les enfants et les femmes. Ces dernières, nommées dans les documents botresses, hotteresses, boraines, offraient un type viril et énergique n’ayant d’analogue que chez les botteresses du pays de Liége, dont elles portaient d’ailleurs les attributs distinctifs, la hotte, le bâton ferré et les gros souliers. Courbées sous un poids de plus de cent livres de houille, elles remontaient les échelles des tourets, elles parcouraient allègrement les mauvais sentiers, les fondrières qui séparaient les charbonnages de la rivière, pour un salaire dérisoire, quelques hottées de charbon que les maîtres leur permettaient d’aller vendre à Mons. Les boraines formaient une sorte de corporation solidaire, fort remuante, fort jalouse de ses privilèges. Dans les grèves, on était sûr de les apercevoir en tête excitant leurs hommes à la résistance. Du reste, ces femmes possédaient sous leur rude enveloppe des qualités estimables, la probité, une excellente moralité, une franchise et un bon cœur qui les faisaient s’associer avec la même vivacité aux malheurs et aux besoins de leurs semblables. Les messagères qui, il y a quelques années à peine, parcouraient les routes venant de Frameries, Quaregnon, Wasmes, Dour à Mons étaient les derniers représentants de cette race caractéristique que le progrès moderne faisait disparaître peu à peu ».
Tout comme Wallonie et Gaume, plus récents que Wallon et Gaumais dont ils sont issus, le nom de région Borinage a été créé plus tardivement que bor(a)in et on le trouve au xviiie siècle seulement. La forme du dérivé Borinage, ainsi que la prononciation dialectale (Borégn) montrent que l’ethnique devrait s’écrire Borin (Borine au féminin) en français.
Pour expliquer l’origine de Borain et Borinage, on a avancé diverses hypothèses ; aucune, cependant, n’est arrivée à une solution définitive.
Parmi les explications avancées, certaines sont pittoresques. Par exemple, celle de Gonzalès Decamps, qui interprétait Borégn par bons régns (littéralement : ‘bons reins’). Le dialecte aurait désigné ces vigoureuses femmes qui transportaient le charbon dans des hottes, en soulignant leurs qualités physiques, leurs « bons reins ».
Parce qu’elle ignore le fait que Borain est antérieur à Borinage, l’interprétation donnée par Maurice Bologne est sans valeur : selon lui, Borinage viendrait d’un dérivé hypothétique Burinaticum « le pays des petites maisons de chaume », créé sur un mot germanique bur‑.
Certains ont pensé au germanique bohren ‘percer, creuser’, mais on ne trouve aucune trace en Wallonie d’un verbe *borer ‘creuser’ et on ne voit pas bien comment un ethnique pourrait se rattacher à un tel verbe.
On a voulu aussi rapprocher Borain du liégeois beûr ‘puits d’extraction du charbon’, d’où vient le français bure, attesté depuis 1751. Le mot beûr est rattaché à l’ancien germanique *bûr‑ ‘hutte, baraque’, qui aurait d’abord désigné l’abri construit au-dessus du puits d’extraction, avant de désigner le puits lui-même ; cependant, cette étymologie est loin d’être tout à fait assurée. De plus, une telle explication rattacherait Borain à l’extraction de la houille, alors que les mentions les plus anciennes désignaient des personnes dont le métier était de transporter de la houille.
Récemment, Pierre Ruelle a repris une hypothèse déjà ancienne et il a essayé de montrer que Borin (ou sa variante Bourain, attestée en 1680 à Floreffe) et Borène pourraient être des emprunts au flamand boer ‘paysan’ et boerin. Comme les Borins et les Borènes étaient à l’origine des ambulants ayant un parler particulier, on aurait pu les assimiler à de pauvres vagabonds, comme pouvaient l’apparaître, en Wallonie, des paysans flamands ne parlant ni le français ni le dialecte du cru.
Bibliographie : M.A. Arnould, L’histoire du Borinage, dans Revue de l’Institut de sociologie, 1950, n° 2-3, p. 71-80 ; A. Capron et P. Nissole, Essai d'illustration du parler borain (MicRomania. Lingua, 7), Charleroi, 2003 ; G. Decamps, Mémoire historique sur l’origine et les développements de l’industrie houillère dans le bassin du Couchant de Mons, dans Mémoires et publications de la Société des sciences, des arts et des lettres du Hainaut, année 1879 (paru en 1880), p. 195-197 ; P. Ruelle, Le patois borain, dans Pierre Ruelle et le Borinage. Recueil de textes de Pierre Ruelle traitant du parler borain, du Borinage et des ses habitants, suivi de six contes en borain, (MicRomania. Lingua, 7), sous la dir. d’A. Capron, Charleroi 2005, p. 3 sv ; Id., Le picard de Wallonie, dans Lîmês I. Les langues régionales romanes en Wallonie, Bruxelles, 1992, p. 51-69 ; Id., Dites-moi, d'où viennent donc ces mots borains ?, Mons, 1979-1992, 5 fasc. (t. V, p. 7-11) ; Id., Le vocabulaire professionnel du houilleur borain. Étude dialectologique, 2e éd. avec additions et corrections, Bruxelles, 1981.
J.-M. Pierret
→ Grand Hornu.