bâtiment Euler
Euler
Euler (bâtiment) D9-E9
Euler (Parking) D8-D9
Domaine universitaire.
Toponyme créé (toponyme indirectement descriptif).
* Thème des toponymes descriptifs.
S’il est pertinent d’avoir baptisé de ce nom le bâtiment qui abrite le département d’Ingénierie mathématique ainsi que l’unité de Mécanique appliquée de l’École polytechnique de Louvain, bien d’autres locaux auraient pu prétendre à cet honneur, ce brillant mathématicien suisse ayant fait faire de remarquables avancées non seulement à la mathématique pure, mais aussi à nombre de disciplines où il trouva à l’appliquer : la mécanique, la résistance des matériaux, la construction navale, l’astronomie, l’acoustique, l’optique... pour n’en citer que quelques-unes ; il est permis de dire qu’il contribua à toutes les sciences exactes et appliquées de son époque.
* Mathématicien helvétique, Leonhard Euler est né le 15 avril 1707 à Bâle et mort le 18 septembre 1783 à Saint-Pétersbourg. Considéré comme le mathématicien le plus prolifique de tous les temps, il domine les mathématiques du XVIIIe siècle. Son nom est resté attaché à nombre de concepts : la constante d’Euler, l’équation différentielle d’Euler, les fonctions eulériennes, la droite d’Euler d’un triangle, les formules d’Euler liant l’exponentielle aux fonctions trigonométriques, les angles d’Euler, l’indicateur d’Euler, la caractéristique d’Euler-Poincaré...
Fils et petit-fils de pasteurs protestants, Euler naît dans une famille instruite mais relativement peu aisée. Son père Paul avait lui-même suivi les leçons du mathématicien Jacques Bernoulli. Inscrit à l’Université de Bâle pour s’y former en théologie, Leonhard Euler ne manque pas de suivre également les cours de mathématique de Jean Bernoulli, le jeune frère de Jacques. En 1726, ses études sont terminées et dès l’année suivante il soumet un mémoire pour le Grand Prix de l’Académie des Sciences de Paris, consacré à la meilleure disposition des mâts d’un bateau ; il n’obtient cependant que le deuxième prix.
La même année, Nicolas et Daniel Bernoulli, deux des fils de Jean, lui obtiennent un poste de professeur de mathématique à l’Académie des Sciences de Saint-Pétersbourg, fondée trois ans plus tôt par Pierre le Grand. Il y est également responsable du département de géographie, et à ce titre, il est chargé de la cartographie de l’empire. C’est à Saint-Pétersbourg, en 1734, qu’il se marie avec Katharina Gsell, la fille d’un peintre, qui lui donnera treize enfants (dont cinq atteindront l’âge adulte). Son intense activité scientifique n’empêchera jamais Euler d’être un père attentif à l’éducation et à l’épanouissement de ses enfants, puis de ses petits-enfants. Dès cette époque, il connaît des problèmes de santé : en 1735, il s’en faut de peu qu’une fièvre ne lui soit fatale, et en 1738, une infection lui fait perdre l’usage d’un œil.
Si l’ambiance scientifique de Saint-Pétersbourg est stimulante, en revanche son climat politique est plutôt pesant, et en 1741, Euler répond à l’appel de Frédéric le Grand qui souhaite réorganiser l’Académie de Berlin. Il ne sera cependant jamais très heureux à la Cour de Prusse où le roi préfère l’esprit vif d’un Voltaire à l’efficacité d’un scientifique.
En 1766, à l’invitation de la Grande Catherine, et malgré des craintes pour sa santé, il retourne à Saint-Pétersbourg, accompagné de sa famille ; son fils aîné Jean (1734–1800) obtient une chaire de physique. Dès 1771, Euler devient complètement aveugle, mais grâce à sa prodigieuse mémoire, cela n’altère pas le moins du monde sa productivité : il dicte ses textes à ses fils ou à un domestique.
Le 18 septembre 1783 (mais le 7 septembre dans le calendrier julien encore en usage en Russie), après avoir, le matin, donné une leçon à l’un de ses petits-fils, et avoir encore fait quelques calculs au sujet de ce qui passionne à ce moment toute l’Europe cultivée, les expériences des frères Montgolfier, il reçoit ses amis Lexell et Fuss pour discuter de la découverte récente de la planète Uranus. Vers cinq heures, il est terrassé par une hémorragie cérébrale et meurt vers onze heures du soir. Les mots de Condorcet : « Il cessa de calculer et de vivre », dans leur concision, expriment parfaitement la brutalité de cette disparition.
Euler se place dans les tout premiers rangs des plus grands mathématiciens de l’histoire. Même s’il n’a pas été l’initiateur de théories entièrement neuves, ses contributions dans nombre de disciplines mathématiques (le calcul différentiel et intégral et ses applications à la géométrie des courbes et des surfaces, la théorie des nombres, le calcul des variations, etc.) et physiques (la mécanique analytique, l’acoustique, l’optique, la théorie de la chaleur, l’astronomie) sont essentielles. Ses fonctions de professeur d’Académie (tant en Russie qu’en Prusse) l’ont également amené à travailler dans des domaines utiles à la gestion de l’État : la cartographie, comme nous l’avons déjà mentionné plus haut, mais aussi la théorie des assurances, l’artillerie, la balistique, la construction navale ou le génie hydraulique. Dans tous ces domaines, ses immenses talents de calculateur, couplés à une intuition remarquable, ont fait des merveilles.
Les publications d’Euler défient l’imagination non seulement par leur qualité et la variété de leurs sujets, mais aussi par leur nombre ; après sa mort, l’Académie de Saint-Pétersbourg continua à publier des travaux inédits durant environ un demi-siècle. Ses œuvres complètes comptent près de 80 volumes in-quarto.
Si ses articles scientifiques se comptent par centaines, ses livres sont également légion, et nombre d’entre eux apparaissent comme d’importants jalons de l’histoire des mathématiques : Introductio in analysin infinitorum (1748), où il clarifie les conceptions de Jean Bernoulli sur la notion de fonction, Institutiones calculi differentialis (1755), Institutiones calculi integralis (1768–1770). Tous ces livres, ainsi que quantité d’autres, furent appréciés en raison de la clarté de l’exposé. Euler n’hésita jamais à introduire de nouvelles notations, et la pertinence de ses choix est attestée par la pérennité de nombre d’entre elles : f(x) pour l’image du nombre x par la fonction f, e pour la base des logarithmes népériens, i pour l’unité imaginaire, ... ; le symbole π pour le rapport de la circonférence au diamètre avait été introduit par William Jones en 1706, mais c’est Euler qui le popularisa.
Enfin, il convient de mentionner les leçons qu’Euler donna à la Princesse d’Anhalt-Dessau, nièce de Frédéric II de Prusse, au début des années 1760, et qui furent publiées — en français — sous le titre Lettres à une princesse d’Allemagne sur divers sujets de physique et de philosophie (1768–1772), magnifique exemple de vulgarisation, qui se lit encore avec intérêt.
Bibliographie : B. Hauchecorne, D. Suratteau, Des mathématiciens de A à Z, Paris, 1996 ; M. Kline, Mathematical Thought from Ancient to Modern Times, New York, 1972 ; Inventeurs et scientifiques. Dictionnaire de biographies, Paris, 1994.
P. Dupont