parking Galilée
Galilée
Galilée (parking) E7
Galilée (place) E7
Domaine universitaire (parking). Conseil communal du 27 juillet 1972 (place).
Toponyme créé (toponyme non descriptif).
* Thème des sciences exactes.
* Thème du patrimoine européen et universel.
« Place Galilée » célèbre Galileo Galilei (1564-1642), mathématicien et astronome italien, fondateur de la dynamique. Elle a donné son nom au parking adjacent, qui, assez étonnamment, est le seul parking de Louvain-la-Neuve avait reçu un nom officiel. Pourtant, en tant que lieux susceptibles d’être traversés par le public, les parking devraient recevoir une désignation officielle : du travail en perspective pour la Commission de toponymie et… le Conseil communal.
* Galilée naît à Pise, mais sa famille, d’ancienne noblesse florentine, se réinstalle en 1574 dans sa ville d’origine. Son père, Vincenzo, était un théoricien de la musique, et les historiens des sciences ont récemment mis en lumière l’apport des théories musicales dans la mathématisation de la nature. C’est de son père que Galileo reçoit sa première éducation, qui fait éclore ses talents pour la musique et pour le dessin. À quinze ans, une infection grave à l’œil l’oriente vers les études médicales. L’enseignement livresque et théorique professé à l’Université de Pise le dégoûte d’y achever le cours de ses études ; il quitte la ville quatre ans plus tard en 1585 sans y prendre ses grades. Au lieu de suivre le curriculum médical classique, il s’est surtout intéressé aux mathématiques et à la lecture des anciens.
Dès son retour à Florence, Galilée manifeste deux traits caractéristiques de son indépendance d’esprit. D’une part, il ridiculise les structures conservatrices des institutions universitaires dans une poésie burlesque sur le port de la toge. D’autre part, il poursuit en toute autonomie ses recherches en physique (centre de gravité et balance hydrostatique) pour lesquelles une habileté manuelle remarquable, qu’il avait cultivée dès son jeune âge, lui permet de concevoir instruments et expériences. Connu pour ses conférences littéraires et recommandé par des mathématiciens réputés, il accède à une chaire à Pise en 1589. Les conflits avec l’institution qu’il avait raillée l’obligent à partir trois ans plus tard. Loin d’étouffer ses ambitions, son départ marque le début de ses œuvres originales. Il est plus que probable que son intérêt pour l’étude du problème de la chute des corps date de cette époque. Sa nomination de professeur de mathématiques à Padoue en 1592 stabilise une carrière jusque-là chaotique.
L’une des œuvres les plus connues de Galilée, Sidereus Nuncius — le Messager céleste — fut écrite en moins d’une année. Sur la base d’informations sur la lunette récemment mise au point aux Pays-Bas, Galilée construit sa première lunette, dont le grossissement s’avère même supérieur à celui de l’instrument original. Très vite, il tourne cette lunette vers le ciel et la transforme en un instrument astronomique. Dans son ouvrage d’une centaine de pages, il décrit la lune, son relief et suggère qu’à l’instar de l’astre de la nuit, la terre reflète elle aussi la lumière du soleil. C’est en filigrane l’affirmation que la terre n’est qu’un astre comme les autres. Galilée décrit aussi la voie lactée et des nébuleuses qui s’avèrent être des amas d’étoiles, augmentant soudainement par ses observations les dimensions de l’univers et le nombre d’objets qui l’habitent. Il y rapporte enfin la découverte des satellites de Jupiter, observés pour la première fois en janvier 1610. Ce fait démontre dans l’esprit de Galilée que le système héliocentrique de Copernic, qui place le soleil au centre du système planétaire, n’exclut nullement qu’autour de chaque planète gravitent à leur tour des satellites. La dernière difficulté soulevée à ses yeux par l’adoption du système de Copernic, à savoir le statut unique de satellite que présentait la lune, est dès lors levée.
En savant qui cherche un patron protecteur, Galilée avait baptisé les satellites de Jupiter d’astres médicéens pour courtiser Cosme II de Médicis, grand-duc de Toscane. Il s’installe peu de temps après à Florence, sous le titre de premier mathématicien et philosophe du duc, et poursuit ses observations astronomiques : les taches solaires et les phases de Vénus. Il bénéficie d’une reconnaissance scientifique, étant admis à l’Academia dei Lincei et au Collège romain. Il ne peut toutefois éviter le conflit ouvert avec les professeurs aristotéliciens de Pise lors de la publication du Discours sur les corps flottants en 1612.
Ses allusions à la thèse copernicienne précipitent par ailleurs un débat sur les rapports entre la science et la religion. Le débat se focalise sur la réalité du mouvement de la terre et l’immobilité du soleil, et du point de vue strictement scientifique voit l’opposition fondamentale entre la thèse héliocentrique et celle, héritée de Ptolémée et de la physique aristotélicienne, du géocentrisme. Malgré les tentatives de Galilée pour éviter cette issue fâcheuse, le débat est clos en 1616 par la mise à l’index de l’œuvre de Copernic. épargné par le décret grâce à ses appuis, Galilée se réfugie dans des travaux sur des sujets tout à fait différents tels que la détermination de la longitude en mer.
Les controverses ne cessent pas pour autant ; les trois comètes de 1618 et surtout les encouragements du futur pape Urbain VIII le poussent à publier Il Saggiatore (L’essayeur) qui entend réfléchir à la méthode de la science. Galilée y développe l’idée que l’univers est « écrit mathématiquement » et que c’est par conséquent au moyen des mathématiques qu’il faut le déchiffrer. À peine son protecteur a-t-il accédé à la papauté en 1625 que Galilée propose de publier un ouvrage qui décrirait les différents systèmes du monde. C’est le célèbre Dialogo sopra i due massimi sistemi del mondo, Ptolemaico e Copernico (Dialogue sur les deux principaux systèmes du monde) qui paraît en 1632. Malgré les avertissements qui lui avaient été faits sur la nécessité de n’avantager aucune des deux théories, l’ouvrage prend la tournure d’une démonstration en faveur de l’héliocentrisme. Galilée perd ainsi son allié le plus puissant et le procès que ses adversaires avaient tant attendu se termine en juin 1633 par la condamnation de l’auteur du Dialogo. Galilée est contraint d’abjurer le copernicanisme.
La résidence surveillée à laquelle il est contraint ne l’empêche cependant ni de travailler ni de continuer à diffuser ses œuvres. C’est grâce aux applications contrastées selon les pays des décrets du Saint-Office que les ouvrages de Galilée circulent relativement aisément. Parmi eux, ses Discorsi, qui forment la somme du travail de toute une vie de recherche. Il y rectifie ses premières conclusions sur la chute des corps et démontre que la loi des espaces s’accorde avec l’accélération rapportée au temps écoulé. Ce résultat capital fonde une nouvelle mécanique et la gravitation universelle. Galilée perd la vue en 1637 et, accablé de maux physiques, cesse peu à peu le travail. Il meurt en 1642.
À Louvain, les idées coperniciennes étaient connues et défendues bien avant la publication du De Revolutionibus en 1543. Gemma Frisius (1508-1555), convaincu de l’insuffisance de l’astronomie traditionnelle et des différents calculs sans fin que le système géocentrique imposait, est séduit par la cosmographie de l’héliocentrisme proposée par Copernic. Mais, comme la plupart des savants, Gemma limite à une portée purement instrumentale les hypothèses astronomiques, ce qui ne l’empêche pas de clamer haut et fort la supériorité de la représentation astronomique copernicienne. Les élèves de Gemma Frisius prolongeront cette lignée d’interprétation.
Plus de cinquante ans après le De Revolutionibus, deux œuvres scientifiques semblent apporter ensuite des arguments décisifs en faveur de l’héliocentrisme : l’Astronomie nouvelle de Kepler (1609), d’un abord difficile, et le Messager des Étoiles de Galilée. Le Collège romain des jésuites confirme en 1611 la validité des observations de Galilée (relief de la lune, satellite de Jupiter, phases de Vénus). Dans cette commission siège Odon Maelcote (1572-1615), jésuite bruxellois, qui fait l’éloge public du Messager des Étoiles. À l’Université de Louvain, Libert Froidmont (1587-1653) réserve un accueil enthousiaste au système copernicien dont il adopte aussi les implications métaphysiques : pas de lieu absolu, centre de gravité propre à chaque planète, etc.
La mise à l’index de l’ouvrage de Copernic en 1616 puis la condamnation de Galilée en 1633 marquent clairement l’attitude de l’Église jusque-là absente du débat cosmologique. L’adhésion à l’héliocentrisme est désormais une hérésie. Le retentissement de l’affaire Galilée et sa rapide promulgation dans nos régions expliquent le revirement soudain d’un partisan enthousiaste, Libert Froidmont. Toujours séduit par la cosmologie copernicienne, il ne peut cependant admettre qu’une théorie, qui n’est pas encore acceptée par toutes les autorités scientifiques compétentes, devienne le prétexte et le motif de l’élimination du sens littéral dans l’interprétation de la Bible. Il craint la récupération par les Églises réformées. Accusé à son tour d’avoir adhéré à l’héliocentrisme dans sa jeunesse, Libert Froidmont continue d’affirmer qu’on peut être à la fois catholique et copernicien ; le tout est de ne point y voir davantage qu’une hypothèse.
Dans la sphère privée, les correspondances sont moins timides. Plus surprenante est la liberté d’enseignement dont les professeurs jouissent à la Faculté des arts de Louvain. En 1658, celle-ci avait même fait aboutir, malgré l’opposition des Facultés de théologie et de médecine, une réforme de l’enseignement qui abandonne le corpus aristotélicien comme fil conducteur du curriculum. Or, dans la physique cartésienne, la vision copernicienne du monde est en quelque sorte l’emblème de la science nouvelle. C’est dans ce contexte complexe, fruit d’un équilibre fragile entre ce qu’il n’est pas interdit de dire et ce qui ne peut être tenu pour vrai, qu’éclate « l’affaire Martin van Velden ».
Au sein de la Faculté des arts, Martin van Velden (1664-1724) est un professeur réputé ; il fut « primus » — soit premier de sa promotion — en 1683. Il détient aussi un baccalauréat en droit canon et civil. Dans le contexte cartésien décrit ci-dessus, il développe l’enseignement pratique et est connu pour ses exercices de physique. L’affaire van Velden commence en janvier 1691, lors des disputes dominicales où s’affrontent les élèves de quatre pédagogies de la Faculté des arts. Van Velden soumet deux thèses au débat contradictoire. L’une est cartésienne : « La matière est une chose étendue en longueur, largeur et profondeur, elle est composée de parties indéfiniment divisibles. Le vide implique contradiction ». L’autre affirme la réalité du système de Copernic : « Indubité est le système de Copernic touchant le mouvement des planètes autour du soleil ; et la terre est à bon droit comptée parmi les planètes ». Cette dernière thèse rompt avec la tradition puisqu’il ne s’agit plus d’échanger arguments et contre-arguments au sujet d’une proposition, mais bien au sujet de sa véracité. Le professeur van Velden dépasse ici l’exercice rhétorique auquel sont d’ordinaire soumis les étudiants, pour aborder le débat cosmologique jusque-là prudemment évité.
Dès l’annonce de la thèse copernicienne, les autres professeurs le prient de la supprimer, ou de la reformuler de façon moins tranchée. Devant l’insoumission de van Velden, la Faculté des arts en appelle au recteur magnifique ; van Velden recourt quant à lui au Conseil de Brabant, juridiction laïque, antagoniste, et obtient la suspension de son interdiction. L’Internonce, représentant de Rome dans les Pays-Bas, lui aussi alerté par les deux parties, arrive à un compromis : van Velden soumet une autre thèse et est réintégré dans ses privilèges.
Six mois après, van Velden fait imprimer des thèses de logique, de physique et de métaphysique à défendre publiquement par les quatre meilleurs étudiants de sa pédagogie. En métaphysique, il défend le cartésianisme ; en physique, il reprend à titre de corollaire l’affirmation du système de Copernic et, en logique, il critique la manière d’enseigner, de discuter et d’examiner employée à Louvain. C’est du moins le contenu que l’on peut restituer d’après les documents que génère cette nouvelle bravade. Ce deuxième procès mobilise diverses instances juridiques qui s’affrontent sur un terrain où les prérogatives mal définies dépassent l’enjeu scientifique ou celui de la liberté d’enseignement. Un an plus tard, lorsque l’affaire connaît son dénouement, van Velden a été mis au pas et s’est rétracté. Il poursuit néanmoins son enseignement à la Faculté des arts, professant son cartésianisme et son copernicanisme, et formant de futurs professeurs qui poursuivront dans cette voie.
Bibliographie : The Cambridge Companion to Galileo, sous la dir. de P. Machamer, Cambridge, 1998 ; G. Monchamp, Galilée et la Belgique. Essai historique sur les vicissitudes du système de Copernic en Belgique, Saint-Trond-Bruxelles-Paris, 1892.
B. Van Tiggelen