voie du Roman Pays
Roman Pays
Roman Pays (voie du) E6-D7
Conseil communal du 28 octobre 1975.
Toponyme créé (toponyme non descriptif).
* Thème des gentilés.
La « voie du Roman Pays » évoque le « Brabant wallon », c’est-à-dire, sous l’Ancien Régime, la partie romane du duché de Brabant, au sein duquel il formait une circonscription administrative propre. Si, durant longtemps, l’expression « Brabant wallon » a simplement désigné un fait de langue caractérisant la partie sud de la province belge du Brabant (par opposition au « Brabant flamand »), depuis les réformes constitutionnelles de 1993, il désigne en fait une nouvelle province, héritière à bien des égards de l’antique « Roman Païs de Brabant ». On notera à ce propos, précisément, que l’orthographe actuelle a été préférée à l’ancienne graphie « Roman Païs ». Sans être un gentilé, le nom se rattache néanmoins à ce thème.
Jusqu’en 1995, cette voirie englobait également l’actuelle « voie des Hennuyers », ainsi rebaptisée à la demande des services de sécurité. Coupée en deux par une section non construite le long du chemin de fer, en effet, la « voie du Roman Pays » n’était pas carrossable sur toute sa longueur : lors d’une intervention d’urgence, cela aurait pu provoquer de grosses pertes de temps [PV 38].
* Le « Roman Païs » désigne, sous l’Ancien Régime, la partie wallonne du duché de Brabant, qui réunit en une circonscription administrative commune, tous ses territoires romans. Né précisément du rassemblement des possessions romanes du duc de Brabant, le Roman Pays tient sa limite nord des invasions germaniques du Ve siècle, qui sont à l’origine de la frontière linguistique. Avec l’affaiblissement du pouvoir central, le morcellement de l’Empire carolingien qui s’opère de la seconde moitié du VIIIe au Xe siècle conduit, dans le sud du Pays de Brabant (« Pagus Bracbatensis »), à la formation des comtés de Louvain et de Bruxelles. Du Xe au XIIe siècle se constituent bientôt des principautés territoriales qui donneront naissance aux anciennes provinces de nos régions : Flandre, Hainaut, Brabant, Limbourg, Namur, Liège et Luxembourg. Dans ce contexte, l’unification territoriale du Brabant s’opère sous la conduite des comtes de Louvain. Après avoir réuni par mariage les comtés de Bruxelles et de Louvain, ils s’efforcent d’agréger à ce domaine thiois une frange wallonne au sud de leur domaine. Ils y parviennent en devenant avoués (protecteurs) des abbayes de Nivelles, Gembloux et Villers, et grâce à leur avouerie sur l’abbaye d’Affligem, qui compte parmi les plus gros propriétaires fonciers de la région (la cense du Biéreau, à Louvain-la-Neuve, était au XVIIIe siècle une possession de l’abbaye de Florival, elle-même création de l’abbaye d’Affligem). Exercée au nom du souverain par son représentant, le duc ou le comte, l’avouerie sert en fait, en raison de la quasi-disparition du pouvoir central, les intérêts de ce dernier et lui permet d’exercer le pouvoir politique sur les possessions, souvent considérables, des abbayes dont il est l’avoué. À l’est du Brabant, les ducs s’efforcent d’accroître leur domaine au détriment des Liégeois : la seigneurie de Jodoigne est acquise en 1184 ; la seigneurie de Grez est annexée après 1100 ; Hannut et ses environs passent sous l’autorité ducale en 1213. Les limites méridionales du duché de Brabant sont désormais fixées et ne changeront plus guère jusqu’à la fin de l’Ancien Régime.
En termes d’identité, on notera que le seul élément constitutif du Roman Pays est, comme son nom l’indique, la communauté de langue. Il procède d’un souci d’organisation administrative rationnelle de la part des ducs, qui réunissent en une seule entité leurs possessions romanes : dès le XIIIe siècle, l’ensemble est organisé en deux baillages, de Nivelles et de Jodoigne, et dès le siècle suivant, le bailli (représentant du duc) de Nivelles devient le bailli du Roman Pays. Pour le reste, ce dernier n’offre aucune unité : ni juridique (les droits appliqués au sein du même baillage sont divers), ni économique (l’Ouest a connu un développement agraire plus précoce), ni linguistique (l’Ouest est wallo-picard, l’Est centre-wallon), ni religieux (deux diocèses se le partagent : Liège pour la plus grande part, Cambrai à l’Ouest). À partir du XVIe siècle, cependant, certains facteurs d’unité se renforcent, sur le plan juridique et surtout religieux : avec la création des nouveaux évêchés en 1559, la plus grande partie du Roman Pays est rattachée, pour des raisons linguistiques, à l’évêché de Namur (le Brabant thiois est rattaché à Malines) et en 1641, la création au sein de ce dernier d’un archidiaconé du Brabant wallon (« Gallo-Brabantiae ») fait coïncider les limites religieuses et politiques.
Du point de vue historique, le Roman Pays de Brabant préfigure l’actuelle province du Brabant wallon, qui, depuis la révision constitutionnelle de 1993, coïncide en fait avec l’arrondissement de Nivelles (dans la pratique, la « jeune province » n’existe que depuis le 1er janvier 1995).
Bibliographie : C. Bruneel, Brefs aperçus sur l’histoire du Brabant wallon, dans Identité-avenir du Brabant wallon. (Causeries nivelloises. 1986-1987), Nivelles, [1987], s.p. ; G. Despy, Naissance d’une nouvelle province : les origines du Brabant wallon, dans Bulletin de l’Académie royale de Belgique. Classe des lettres, 1994, p. 501-531 ; Ph. Godding, Brabant : du Duché médiéval aux nouvelles provinces, dans Louvain, n° 41, septembre 1993, p. 38-39 ; Id., L’identité du Brabant wallon. Aspect historique, dans Identité-avenir du Brabant wallon…, s.p. ; Id., Le passé du « Roman Pays », dans Passé présent du Brabant wallon, Bruxelles, 1996, p. 14-23 ; O. Henrivaux, Au commencement, dans Revue d’histoire religieuse du Brabant wallon, t. I, 1987, p. 3-17.
L. Courtois
→ Brabançons ; Brabant wallon ; Hennuyers.