Les rues de LLN

voie Saint-Jacques

rue: voie Saint-Jacques
canton postal: 1348
localité: Louvain-la-Neuve
description:

Saint-Jacques

Saint-Jacques (voie)            [en réserve]

Conseil communal du 9 septembre 1976.

Toponyme créé (toponyme non descriptif).

* Thème du folklore et des traditions populaires de Wallonie.

La Commission de toponymie a baptisé une rue « voie Saint-Jacques », en souvenir du pèlerinage à Saint-Jacques de Compostelle, mais aussi par allusion à la tradition wallonne dans laquelle « voie (de) Saint-Jacques » désigne la voie lactée. Selon les régions, la voie lactée est désignée « voie (de) Saint-Jacques » (surtout dans l’Est de la Wallonie, de Verviers à Virton), « chemin (de) Saint-Jacques », « pazê (de) Saint-Jacques », « route Saint-Jacques », « chaussée (de) Saint-Jacques » et « raie (de) Saint-Jacques » [ALW, t. III, p. 44].

* Il ne faut pas confondre les deux saints Jacques, tous deux membres de l’entourage de Jésus. Saint Jacques dit le Majeur est l’un des douze apôtres ; c’est le frère de Jean, comme celui-ci, fils de Zébédée et l’un des trois confidents privilégiés du Seigneur (Pierre, Jacques et Jean). C’est pour ses deux fils, Jacques et Jean, que Salomé leur mère demandait à Jésus le privilège de les voir siéger dans le Royaume l’un à la droite, l’autre à la gauche du Seigneur. Quant à l’autre Jacques, dit le Mineur, cousin de Jésus (appelé dans les Évangiles l’un des frères du Seigneur), il joua un rôle de premier plan dans la première communauté chrétienne après le départ de Jésus, puisqu’il devint chef de la communauté chrétienne de Jérusalem.

Le Jacques dont il est ici question est le Majeur, celui de Compostelle et de la voie lactée, celui qui a laissé la plus grande trace dans le folklore, l’impétueux apôtre que Jésus appelait Boanergès, le fils du tonnerre (Marc, 3, 17). Les Actes des apôtres racontent sa mort vers l’an 44 : « En ce temps-là le roi Hérode fit arrêter quelques-uns des membres de l’Église pour les maltraiter. Il fit mourir par le glaive Jacques, le frère de Jean » (Actes, 12, 1-2). C’est bien plus tardivement, au VIIe siècle, que se répand la légende de l’arrivée de Jacques en Espagne qu’il aurait évangélisée durant plusieurs années avant de rentrer en Palestine et de trouver la mort sous Hérode Agrippa. Des disciples en fuite auraient alors emmené son corps et un navire l’aurait miraculeusement reconduit au nord-ouest de l’Espagne, à l’endroit où l’apôtre avait accosté bien des années plus tôt, où tout aussi miraculeusement une sépulture lui aurait été donnée.

Cette légende, entourée par la suite d’autres récits merveilleux, donne une origine à un culte qui prit une ampleur extraordinaire. Dans le contexte de la reconquête progressive des royaumes de la péninsule ibérique envahis par les musulmans, saint Jacques devint le porte-étendard mythique de la reconquista (saint Jacques Matamore). La légende rapporte que, suite à des phénomènes lumineux, on découvre au début du IXe siècle le tombeau de saint Jacques sur une colline de Galice, qui deviendra le centre d’un culte au destin unique dans le monde chrétien : le pèlerinage à Santiago de Compostelle. À partir du XIe siècle, ce pèlerinage va connaître un essor prodigieux, grâce notamment au puissant appui de l’abbaye de Cluny en Bourgogne, soucieuse de soutenir les chrétiens d’Espagne dans leur combat. De toute la chrétienté, des foules vont accourir en Galice au tombeau de l’apôtre. Le chemin de saint Jacques va se couvrir d’une multitude d’édifices (hospices, refuges, églises, couvents) où les pèlerins pédestres, les jacquaires, trouvaient un peu de réconfort. Ce chemin va devenir un lieu unique de brassage culturel.

Pénitents publics et dévots accomplissant un vœu vont sillonner l’Europe dans ce cheminement pénible aux allures initiatiques. Leur silhouette est restée ancrée dans l’imagerie populaire : coiffés d’un chapeau à larges bords et vêtus d’une ample pèlerine ornée de pectens (coquilles Saint-Jacques), ils avancent s’appuyant sur leur grand bâton (le bourdon) où pend une calebasse. La voie lactée, censée guider les pèlerins, portera dans le langage populaire le nom de Voie de Saint-Jacques ; certains ont vu l’origine de cette appellation dans une confusion populaire entre Galice et Galaxie, nom savant de la Voie lactée. Tombé en semi-léthargie au XVIIIe siècle, le pèlerinage vécut un lent redémarrage à la fin du XIXe siècle. Il connaît un étonnant renouveau depuis quelques décennies ; il est clair qu’actuellement les motivations religieuses s’effacent parfois devant l’intérêt culturel de la redécouverte des anciennes routes ou devant l’exploit physique dans le cas de pèlerinages pédestres ou cyclistes. En 1987, le Conseil de l’Europe a inauguré l’Itinéraire culturel européen de Saint-Jacques, mis au point par un groupe d’experts.

Saint Jacques est fêté le 25 juillet. Patron des pèlerins, il était aussi celui des chevaliers en raison de la légende de son apparition dans le ciel, en armes et monté sur un cheval, pour soutenir les combats de libération des Espagnols contre les Maures à la bataille de Clavijo en 834 (saint Jacques Matamore, littéralement tueur de Maures). Parmi les patronages secondaires, citons celui des agonisants et celui des chapeliers (en raison du grand chapeau des pèlerins jacquaires). Dans l’iconographie, il est représenté de trois façons principales : l’apôtre de Jésus, pieds nus, drapé à l’ancienne et portant l’épée de sa décapitation ; le pèlerin, chaussé et vêtu en pèlerin ; le chevalier ou le matamore.

En Wallonie, de même que les statues, vitraux, images de saint Jacques et noms de rues, les patronages d’églises abondent, permettant de reconstituer les anciens chemins des « pèlerins de Monseigneur Saint Jacques en Galice ». L’église Saint-Jacques de Liège, de style gothique flamboyant et possédant des vestiges romans, est l’un des plus prestigieux témoins de cet engouement dans nos régions. De même, Jacques le Majeur est présent dans nombre de coutumes et d’appellations traditionnelles. La voie lactée était aussi appelée « li vôye di sint Djâque » ou « li t’chmin d’sint Djâque ». Un récent regain d’intérêt est également sensible dans nos régions ; en 1986, fut créée pour la Wallonie et Bruxelles l’Association des amis de Saint-Jacques de Compostelle, qui a pour objectif l’assistance aux candidats pèlerins à pied, à vélo ou par d’autres moyens.

Bibliographie : L’almanach des vieux Ardennais. Traditions et saints de l’été, Bastogne, 1994, p. 145-160 ; Y. Bottineau, Les chemins de Saint-Jacques, Paris, 1966 ; J. Bourdarias et M. Wasielewski, Guide des chemins de Compostelle, 1989 ; J. Chelini et H. Branthomme, Les chemins de Dieu, Paris, 1982 ; A. Colignon, Dictionnaire des saints et des cultes populaires de Wallonie, Liège, 2003, p. 284-286 ; CPW, p. 336-337 ; Europalia 1985 Espagne. Santiago de Compostela. 1000 ans de pèlerinage, Bruxelles, 1985 ; IAC, t. III-2, p. 690-702.

J. Pirotte

Classé dans : Centre Ville