rue Jean Haust
Haust
Haust (Rue Jean) G5-H5
Conseil communal du 19 décembre 2006.
Toponyme créé (toponyme non descriptif).
* Thème des littérateurs wallons ou régionalistes.
* Thème de la littérature belge de langue française.
* Thème du patrimoine wallon.
* Thème des sciences humaines.
Une partie du quartier des Bruyères voué aux arts est dédiée aux « écrivains » belges de langue française [PV 42]. Parmi eux, on trouve également quelques spécialistes de la langue (« rue Joseph Hanse » ou « rue Maurice Grevisse »). La Commission de toponymie avait d’abord pensé à « rue Albert de Louvain », mais s’est ravisée : il est peu connu et a écrit en latin [PV 55 et 56]… Jean Haust (1868-1946) peut être regardé comme un des maîtres incontestés, dans le sillage de Charles Grandgagnage (1812-1878), de Jules Feller (1859-1940), et de Maurice Wilmotte (1861-1942), de la dialectologie wallonne, à laquelle il a donné des études qui demeurent aujourd’hui encore des monuments incontournables de la philologie romane en général.
* Jean Haust est né à Verviers en 1868, dans un milieu modeste. Enfant doué, il put néanmoins, malgré la perte précoce de son père, mener à bien de solides humanités classiques au collège jésuite de sa ville. C’est là qu’il découvre de manière précoce, en 6e latine, sa passion pour la langue wallonne, à laquelle il consacrera toute sa vie. Quel apprenti latiniste ne se souvient du vers de Virgile, dans les Bucoliques : « Tityre, tu patulae recubans, sub tegmine fagi » ? Fagus, le hêtre, d’où le wallon faw : intuition précoce de ce que « le wallon, c’est le latin venu à pied du fond des âges » (Julos Beaucarne). En 1885, il entreprend des études supérieures à l’École normale des Humanités annexée à l’Université de Liège, dont il sort en 1889 avec le titre d’agrégé en philologie classique. Après quelques intérims, il est nommé en 1892 à l’Athénée de Liège, où il enseigne le latin jusqu’en 1921, année où il est détaché de l’enseignement au profit d’une mission scientifique portant sur l’étude des dialectes de Wallonie. L’année précédente, le ministre Jules Destrée l’avait chargé de dispenser le premier cours (facultatif) d’étude philologique des dialectes wallons à l’Université de Liège, mais ce n’est qu’en 1932, à l’âge de soixante-quatre ans, qu’il y sera nommé professeur ordinaire, à quelques années de l’éméritat (1938). Paradoxalement, l’essentiel de son œuvre scientifique a été produite en dehors de l’université, dans un domaine, la dialectologique wallonne, qui ne correspondait ni à sa formation, ni à sa carrière d’enseignant. Explorateur infatigable et minutieux du domaine circonscrit des dialectes wallons, il en avait acquis une connaissance exceptionnelle, accumulant une masse d’informations de première main dont on n’a pas encore à ce jour fini d’exploiter la richesse, repérant les problèmes-clés et proposant des solutions toujours intéressantes. Il fut un maître incontesté de sa discipline, qui a donné à l’école liégeoise de dialectologie (avec, pour ne pas citer les vivants, des noms comme ceux de Louis Remacle, d’Élisée Legros et de Maurice Piron) sa réputation internationale. Membre de la Société liégeoise de littérature wallonne à partir de 1897 (devenue plus tard, grâce à lui, Société de langue et de littérature wallonnes), il fut un des initiateurs du Musée de la Vie wallonne (1913). Élu en 1920 membre de l’Académie royale de langue et de littérature françaises, il fut, dès leur création, membre de la Commission royale belge de toponymie et dialectologie (1926) et de la Commission communale de l’Histoire de l’Ancien Pays de Liège (1929).
L’œuvre de Jean Haust est considérable et couvre tous les secteurs de la dialectologie. Sa première étude, parue en 1892 dans les Mélanges wallons offerts à Maurice Wilmotte (en collaboration avec G. Doutrepont, Liège, 1892, p. 11-64) porte sur Les parlers du nord et du sud-est de la province de Liège. Si elle est centrée sur la phonétique et la morphologie, domaines auxquels il préférera par la suite le lexique, elle inaugure une démarche à laquelle il restera fidèle jusqu’à la fin : l’enquête de terrain, qui fournit une documentation sûre, abondante, inédite. Il s’intéresse rapidement à la publication des textes dialectaux, qui l’occupera même beaucoup à partir de 1933, année où il fonde la collection Nos dialectes. Il ne se contente pas de publier des auteurs contemporains, mais s’intéresse également aux textes d’Ancien Régime. On peut citer : Le dialecte liégeois au XVIIe siècle. 1. Les trois plus anciens textes (Bibliothèque de la Faculté de Philosophie et Lettres, fasc. XXVIII), Liège-Paris, 1921 ; Li voyèdje di Tchaufontainne. Opéra-comique de 1757 en dialecte liégeois, Liège, 1924 (réédité en 2008 par la Société de langue et de littérature wallonnes : Mémoire wallonne, t. XII) ; Le dialecte liégeois au XVlIe siècle. 2. Quatre dialogues de paysans (Nos dialectes, t. IX), Liège, 1939 ; […] 3., Dix pièces de vers sur les femmes et le mariage (Nos dialectes, t. XI), Liège, 1941. Dans le domaine de la toponymie, si sa contribution se limitera longtemps à la mise au point et à la publication, dans le Bulletin de la Société de langue et de littérature wallonnes, des glossaires réalisés par différents auteurs, quelques travaux personnels sont néanmoins à épingler : l’étude de 1937 sur Le toponyme ardennais fa (fè, fwè), Liège, 1937, dans lequel il identifie le masculin de fagne, c’est-à-dire le germanique *fani, et l’Enquête dialectale sur la toponymie wallonne (Mémoires de la Commission royale de toponymie et dialectologie, Section wallonne, t . III, Bruxelles, 1940-1951), recueil documentaire de formes orales dont il soulignait l’importance pour la recherche étymologique. Dans ce domaine de l’étymologie, précisément, qui est au cœur de ses préoccupations, il publie un ouvrage fondamental, qui n’a cessé d’inspirer ses successeurs : Étymologies wallonnes et françaises, Liège, 1923, couronné du Prix Volney de l’Institut de France. Non seulement il y démontre l’importance des dialectes pour l’élucidation des mots français, mais encore y publie nombre de trouvailles définitives en la matière. Dans le domaine de la lexicologie, enfin, ses grands travaux constituent un apport majeur. Trois entreprises méritent d’être signalées. Son glossaire consacré, avec la collaboration d’un ingénieur des mines, G. Massart, à La Houillerie liégeoise. I. Vocabulaire philologique et technologique de l’usage moderne dans le bassin de Seraing-Jemeppe-Flémalle, Liège, 1926 (réédité en 1976). Son chef-d’œuvre, plusieurs fois réédité, le triptyque consacré au dialecte wallon de Liège : t. I, Dictionnaire des rimes ou vocabulaire liégeois-français groupant les mots d’après la prononciation des finales, Liège, 1927 ; t. II, Dictionnaire liégeois, Liège, 1933 ; t. III, Dictionnaire français-liégeois, Liège, 1948. Last, but not least, L’atlas linguistique de Wallonie, une enquête dialectale sur l’ensemble des parlers de Wallonie commencée en 1924, à partir d’un questionnaire d’environ 2 000 questions, mais qu’il n’eut pas le temps d’exploiter. Ce n’est qu’à partir de 1953 que, les travaux préparatoires étant clôturés, la publication de ce travail monumental put commencer… Des vingt tomes que comportera l’ouvrage (Atlas linguistique de la Wallonie. Tableau géographique des parlers de la Belgique romane d’après l’enquête de Jean Haust et des enquêtes complémentaires), huit ont paru à ce jour :
L. Remacle, t. I, Introduction générale. Aspects phonétiques, Liège, 1953 ;
Id., t. II, Aspects morphologiques, Liège, 1969 ;
É. Legros, t. III, Les phénomènes atmosphériques et les divisions du temps, Liège, 1955 ;
J. Lechanteur, t. IV, La maison et le ménage (1ère partie), Liège, 1976 ;
Id., t. V, La maison et le ménage (2e partie), Liège, 1991 ;
M.-G. Boutier, M.-Th. Counet, et J. Lechanteur, t. VI, La terre, les plantes et les animaux (1ère partie), Liège, 2006 ;
M.-G. Boutier, t. VIII, La terre, les plantes et les animaux (3e partie), Liège, 1994 ;
É. Legros (†) et M.-Th. Counet, t. IX, La ferme, la culture et l’élevage. 1: Ferme et prairies, Liège, 1987 ;
M.-G. Boutier, t. XV, Le corps humain et ses maladies (2e partie), Liège, 1997.
Bibliographie : Actes du Colloque à la mémoire de Jean Haust organisé par la Société de langue et de littérature wallonnes à l’Université de Liège les 8 et 9 novembre 1966, dans Les Dialectes de Wallonie, t. XIII-XXIV, s.l., 1997 ; Bibliographie de Jean Haust, dans Mélanges de linguistique romane offerts à J. Haust, Liège, 1939, p. 7-19 (jusqu’en 1938), et dans Bulletin de la Commission royale belge de Toponymie et dialectologie, Bruxelles, t. XX, 1946, p. 37-40 (de 1939 à 1946) ; J. Lechanteur, Haust, Jean, dans NBN, t. II, 1994, p. 190-192 ; J.-M. Pierret, La Société de langue et de littérature wallonnes fête son cent-vingt-cinquième anniversaire, dans Bulletin de l’Institut archéologique du Luxembourg, t. LVIII, 1982, n° 1-2, p. 20-23 ; L. Remacle, Jean Haust (1868-1946), dans Liber memorialis de l’Université de Liège, t. II, Liège, 1966, p. 129-134.
J. Lechanteur
→ Grevisse ; Hanse.