rue Jessé de Forest
Jessé de Forest
Jessé de Forest (rue) [abandonné]
Conseil communal du (/).
Toponyme créé (toponyme indirectement descriptif).
* Thème des figures de nos régions.
* Thème des grands scientifiques, inventeurs et industriels.
C’est en 1995 qu’il a été décidé d’appeler les différents quartiers du parc scientifique du nom d’une personnalité de renommée internationale et qui soit, si possible, également le nom d’une artère du quartier [PV 40]. On a tenu compte à cet égard des souhaits des entreprises installées dans les « parcs scientifiques », qui désiraient des noms de scientifiques ou d’industriels connus sur le plan international. Si Jessé de Forest, du nom du Wallon chef du groupe qui fonda New-York en 1624, est un pionnier du Nouveau Monde, son aventure relève du registre des « grandes entreprises ». L’homme a cependant été jugé trop peu connu [PV 43]. La culture n’est plus ce qu’elle était…
* Né à d’Avesnes-sur-Helpe, en Hainaut, en 1576, Jessé de Forest est, comme beaucoup de réformés des Pays-Bas du Sud, victime de la répression religieuse mise en place par Charles Quint et son fils, Philippe II d’Espagne. Beaucoup, quand ils ne sont pas arrêtés, trouvent alors refuge dans les États protestants du Nord de l’Europe : Provinces-Unies surtout, mais aussi Royaume-Uni ou États allemands protestants. Dans leur pays d’accueil, ces réfugiés religieux forment des communautés qui se distinguent des Églises réformées locales par leur liturgie en français, d’où leur qualification de « wallonnes » (« Églises wallonnes », « Waalse kerk », « Wallonische Kirche »), terme qui à l’époque désigne ceux qui, dans un espace germanique, sont de langue romane. Après la révocation de l’édit de Nantes, en 1685, beaucoup de huguenots « français » trouveront également asile dans les Provinces-Unies (second « Refuge »), où ils seront incorporés aux Églises wallonnes. Il subsiste aujourd’hui quatorze Églises wallonnes aux Pays-Bas…
L’histoire de Jessé de Forest illustre de manière exemplaire le parcours de nombreux réformés de nos régions. Vers 1602, il se réfugie à Sedan (à l’époque principauté indépendante), puis de là, en 1515, à Leyde. Il cherche alors à émigrer avec les siens et d’autres réfugiés vers le Nouveau Monde. Il tente une première démarche auprès de l’ambassadeur de la couronne anglaise à La Haye, à qui il adresse, le 5 février 1621, une pétition sollicitant le droit, pour une cinquantaine de familles wallonnes et françaises, de s’établir en Virginie. La réponse de la Virginia Company (11 août 1621) est décevante : l’autorisation est accordée, à certaines conditions, notamment que les familles wallonnes renoncent à ne former qu’une seule colonie, chose inacceptable pour Jessé. Ce dernier se tourne alors vers la Compagnie des Indes occidentales, qui y voit une bonne occasion de contrer l’influence espagnole. L’autorisation est donnée le 27 août 1622 et c’est à bord du Nieu-Nederland que les migrants s’embarquent pour le Nouveau Monde : le 4 mai 1624, huit familles sont débarquées à la pointe de Manhattan et fondent « Neuve Avesnes » (en mémoire de la ville natale de Jessé), en Nouvelle-Belgique (Nova Belgica ou Nouvelle-Néerlande, Nieuw Nederland) : il faut en effet rappeler ici que le terme « Belgique », dérivé du latin savant « Belgica », a d’abord servi à désigner l’ensemble des XVII Provinces, avant qu’elles ne se séparent en Belgica Fœderata ou Belgiques fédérées (les Provinces-Unies ou actuels Pays-Bas) et en Belgica Regia ou Belgiques royales (Pays-Bas du Sud ou Belgique actuelle).
À leur arrivée, ces huit familles ne trouvent que quelques huttes construites à la hâte par une poignée d’hommes déposés là en 1614, par le navigateur hollandais Adrien Block et qui subsistaient tant bien que mal grâce au troc avec les Indiens. Les choses changent à leur arrivée, car si la Compagnie des Indes occidentales a accepté de financer leur voyage, c’est bien dans l’espoir de développer des activités profitables dans la nouvelle colonie. Tandis que Jessé de Forest meurt le 22 octobre 1624 au cours d’une reconnaissance des côtes de Guyane, la Compagnie y dépêche l’année suivante, en 1625, un autre Wallon, Pierre Minuit (né à Wesel, en Rhénanie, mais issu d’une famille réformée tournaisienne), en vue d’une mission de mise en valeur. Après un bref retour au pays, il revient comme gouverneur et dote l’île d’une fortification (Fort Amsterdam), d’un quai d’accostage et d’un moulin. L’année suivante, il « achète » l’île aux Indiens Manhattes (des Algonquins) contre quelques verroteries d’une valeur de 60 florins, qui devient ainsi officiellement la colonie de la « Nouvelle Amsterdam ».
Malgré ses succès, Pierre Minuit fut rappelé en Hollande en 1632, ce qui n’empêcha pas la ville de prospérer, comme on le sait. En 1653, l’établissement se constitua en municipalité. Occupée par les Anglais en 1664, elle fut officiellement cédée au Royaume-Uni par le traité de Breda de 1667, qui mettait fin à la Deuxième guerre anglo-hollandaise. Rebaptisée « New York », en l’honneur du duc d’York, le futur Jacques II d’Angleterre, la ville se rendit aux Hollandais en 1673, au cours de la Troisième guerre anglo-hollandaise, et prit le nom de « Nouvelle Orange ». Au cours des pourparlers de paix, les Hollandais l’échangèrent aux Anglais en 1674 contre le Surinam : New York allait dès lors connaître la même histoire que les autres colonies de la Nouvelle Angleterre.
En 1924, à l’occasion du 300e anniversaire de sa fondation, un monument aux Wallons fondateurs de New York fut érigé dans Battery Park, à la pointe sud de Manhattan.
Bibliographie : H.G. Bayer, The Belgians. First Settlers in New York and in the Middle States, with a review of the events which led to their immigration, New York, 1925 ; H.R. Boudin, Quelques considérations sur l’émigration religieuse des Wallons vers la Suède, dans De fer et de feu. L’émigration wallonne vers la Suède au XVIIe siècle. Histoire et mémoire (XVIIe-XXIe siècle), (Publications de la Fondation Wallonne P.-M. et J.-F. Humblet. Série Recherche, t. V), sous la dir. de L. Courtois, avec la collaboration de M. Dorban et J. Pirotte, Louvain-la-Neuve, 2003, p. 149-154 ; C.-I. Caron, Une fondation française de New York ? Le tricentenaire huguenot-wallon de 1924, dans De Québec à l’Amérique française. Histoire et mémoire. Textes choisis du deuxième colloque de la Commission franco-québécoise sur les lieux de mémoire communs, sous la dir. de T. Wien, C. Vidal et Y. Frenette, Québec, 2007, p. 175-194 ; E. Homberger, The Historical Atlas of New York City (a visual celebration of 400 years of New York City’s History), 2e éd., New York, 2005R Goffin, De Pierre Minuit aux Roosevelt. L’épopée belge aux États-Unis, New York, 1943 ; Id., Les Wallons, fondateurs de New York (Connaître la Wallonie, 15), Charleroi, 1970 ; T. Roosevelt, New York. A sketch of the city’s social, political, and commercial progress from the first Dutch settlement to recent times, New York, 1906 ; F. Weil, Histoire de New York, Fayard, Paris, 2005.
L. Courtois
→ Wallons.