avenue Sainte-Gertrude
Sainte‑Gertrude
Sainte‑Gertrude (avenue) D3-E3
Conseil communal du 25 février 1975.
Toponyme créé (descriptif lié à la situation).
* Thème des figures de nos régions.
* Thème des toponymes descriptifs.
* Thème du folklore et des traditions populaires de Wallonie.
* Thème du patrimoine religieux wallon.
* Thème du passé universitaire.
Cette avenue conduit au monastère Sainte-Gertrude, du nom d’une sainte régionale fêtée le 17 mars. Une communauté de religieuses bénédictines, venue de Leuven aux débuts de Louvain-la-Neuve, y résidait jusqu’en août 2006, avant de rejoindre le Monastère Notre-Dame d’Ermeton-sur-Biert. Une communauté de salésiennes de Don Bosco, déjà installée sur le site depuis plusieurs années, y a pris le relais.
* Sainte Gertrude de Nivelles (variantes : Gertrud, Gertrudis ; en wallon Djètrou, Djèdru). La vie de Gertrude de Nivelles se rattache historiquement à l’histoire des grands monastères féminins créés dans les régions de l’actuelle Wallonie au VIIe siècle par des femmes éminentes de la famille des maires du palais dont Charlemagne est issu. Née vers 626, morte à Nivelles en 659, elle est fille de Pépin l’Ancien, dit aussi Pépin de Landen, qui fut maire du palais sous le roi franc Dagobert Ier. Entre 647 et 652, sous l’influence de saint Amand, Gertrude inaugure avec Itte (Iduberga), sa mère devenue veuve, un monastère dans leur villa de Nivelles. Femme cultivée, Gertrude deviendra à vingt et un ans la première abbesse de ce monastère double (une communauté de religieuses et une communauté de moines). C’est elle qui accueillit les moines irlandais, dont saint Feuillen, qui fondèrent l’abbaye de Fosses (Fosses-la-Ville). Elle mourut vers l’âge de 33 ans, le 17 mars 659, entourée d’une réputation de sainteté. La sœur de Gertrude, Begge († 693), viendra par la suite à Andenne fonder vers 679 un autre monastère. Gertrude est fêtée le 17 mars. Elle ne doit pas être confondue avec d’autres saintes du même nom, notamment avec Gertrude la grande, cistercienne mystique du monastère de Helfta en Allemagne, fêtée le 16 novembre († 1302).
Assez rapidement le culte de Gertrude se propagea, bénéficiant de ses liens familiaux avec la dynastie carolingienne et avec diverses lignées princières apparentées. Quelque mille lieux de culte en Europe portent son nom. Au Moyen-Âge, elle était considérée comme la patronne des voyageurs, puis son patronage s’étendit : on l’invoqua pour obtenir une bonne mort ou pour être guéri de toutes sortes de maladie (patronne de certains hôpitaux). Patronne des fileuses, elle devint aussi celle des jardiniers en raison de la date de sa fête, le 17 mars, période où commencent les travaux printaniers de maraîchage. Un nouveau patronage assez curieux se répandit au XVe siècle à partir des régions germanophones (peut-être l’Alsace), gagna les Pays-Bas et même la Catalogne et éclipsa les autres spécialités de la sainte : elle fut invoquée pour protéger contre les invasions de rats, de souris, de mulots et autres rongeurs ; par voie de conséquence, elle est aussi considérée comme la protectrice des chats. Elle est le plus souvent représentée en abbesse tantôt avec la crosse abbatiale, tantôt avec une quenouille, un livre ou une maquette d’hôpital, tantôt avec des souris grimpant le long de sa robe.
Le culte de sainte Gertrude a laissé bien des traces dans l’art et les coutumes de Wallonie, notamment à Nivelles. De la remarquable châsse en argent réalisée entre 1272 et 1298 et détruite lors de la guerre en mai 1940, il subsiste quelques vestiges susceptibles de nous faire imaginer la perfection de l’ensemble. Elle fut remplacée par une belle châsse, œuvre de l’artiste dinantais Félix Roulin, qui suscita certaines polémiques en raison de sa modernité. Chaque année, le dimanche suivant le 29 septembre, se déroule le Tour de Sainte-Gertrude, qui processionne dans les campagnes nivelloises sur quelque 14 kilomètres : six chevaux tirent un char portant la châsse. Le Tour se corse à sa rentrée en ville par la participation des géants Argayon et Argayonne.
À Nivelles, la collégiale Sainte-Gertrude, avec ses deux chœurs, l’un à l’est, l’autre à l’ouest, témoigne de la grandeur passée du monastère. Construit entre le Xe et le XIe siècle, cet édifice est l’un des plus imposants et des plus beaux de Wallonie. Les parties les plus anciennes du bâtiment consacré en 1046 sont de style ottonien (du nom de l’empereur germanique Othon le Grand, † 973). L’avant-corps ouest, qui avait été partiellement détruit par le bombardement du 14 mai 1940, a été restauré au tournant des années 1970-1980. En 1974, une consultation populaire des habitants de Nivelles permit aux autorités de trancher la querelle d’experts concernant le parti à prendre pour la reconstruction du clocher (style roman, gothique ou moderne) ; on opta ainsi pour la restauration dans un style roman de la fin du XIIe siècle. Sous le chœur oriental se trouve une crypte romane du XIe siècle. Construit au XIIIe et reconstruit en grande partie au XIXe, un cloître gothique se déploie du côté nord.
Le sous-sol archéologique de la collégiale de Nivelles conserve d’importants vestiges d’édifices mérovingiens et carolingiens antérieurs au Xe siècle, sur l’emplacement desquels fut édifiée l’église. On y trouve aussi des sépultures de membres de la famille de Gertrude (les pippinides, issus de Pépin l’Ancien). Lorsqu’on sait le rôle éminent que plusieurs membres de cette famille, dont descend Charlemagne, jouèrent dans la formation de l’Europe, on peut considérer que ce lieu est l’un des plus vénérables de Wallonie.
Bibliographie : A. Colignon, Dictionnaire des saints et des cultes populaires de Wallonie, Liège, 2003, p. 214-222 ; CPW, p. 235-236 ; Cl. Donnay-Rocmans, La collégiale Sainte-Gertrude de Nivelles, Paris-Gembloux, 1979 ; J.J. Hoebanx, L’abbaye de Nivelles des origines au XIVe siècle, Bruxelles, 1952 ; IAC, t. III-1, p. 586-87 ; M. Madou, De heilige Gertrudis van Nijvel. Bijdrage tot een iconografische studie. Inventaris van de Gertrudisvoorstellingen, Bruxelles, 1975 ; Le patrimoine majeur de Wallonie, s.l., 1993, p. 43-48 ; Sub tuum præsidium. UCL 550, Louvain, 1976, p. 21-31 (art. de J. Lefèvre).
J. Pirotte
→ Argayon ; Couvent.