rue Léopold Sédar Senghor
Sédar Senghor
Sédar Senghor (rue Léopold) [en réserve]
(Conseil communal du (/).
Toponyme créé (toponyme non descriptif).
* Thème du patrimoine européen et universel.
* Thème du passé universitaire.
Ce nom n’évoque pas seulement l’homme d’État et poète sénégalais qui a chanté la grandeur de la « négritude » et l’espoir de la réconciliation de toutes les races, mais aussi le docteur honoris causa de l’Université catholique de Louvain (1966) [PV 43 et 43bis].
* Léopold Sédar Senghor, homme d’État sénégalais, est aussi un poète de langue française et le chantre de la négritude. Né à Joal, au Sénégal, en 1906, Senghor appartient par son père, commerçant aisé, au groupe des Sérères, de tradition chrétienne. Il passe une enfance heureuse dans sa famille, entendant les griots exalter les hautes faits des grandes lignées sérères. Après des études primaires à la mission catholique de Djilor, il commence son secondaire chez les missionnaires spiritains à Ngazobil, le poursuit à Dakar au Collège Libermann tenu par les mêmes religieux et le termine dans l’enseignement public au lycée de Dakar. À sa culture africaine, il ajoute une imprégnation de l’humanisme gréco-latin. Après le baccalauréat, ayant obtenu une bourse pour étudier en France, il entre en octobre 1928 au Lycée Louis-le-Grand à Paris en vue de préparer son entrée à l’École normale supérieure.
À Paris, il découvre la culture européenne avec ses richesses et ses insuffisances. Il apprend que l’Europe ne lui apporte pas « une recette universelle, mais une simple méthode ». À Paris aussi, il se lie d’amitié en 1931 avec le Martiniquais Aimé Césaire, amitié profonde malgré les divergences idéologiques et caractérielles : Césaire, le révolté et Senghor, l’homme de l’équilibre. C’est cet équilibre qui lui permettra d’intégrer dans son africanité les influences les plus diverses : christianisme, socialisme, révolte de l’Africain et empathie avec l’Europe. C’était le temps où l’Europe découvrait l’« art nègre » et les rythmes africains. Senghor et Césaire se passionnent pour leurs racines africaines communes, s’enthousiasment à la lecture des travaux des ethnologues africanistes : Leo Frobenius, Maurice Delafosse, Georges Hardy. En 1934, autour du petit groupe de Senghor et Césaire, auquel participe le Guyanais Léon Damas, naît une petite revue : L’étudiant noir. Africains et Antillais noirs, par-delà les siècles de séparation due à la Traite, se retrouvent et rejoignent une Afrique, idéalisée sans doute. Ils forgent et lancent le mot « négritude », qui ambitionne de dépasser les héritages africains, tout en les intégrant dans une négritude actuelle, afin de mettre au monde le « nègre nouveau ».
Devenu en 1935 agrégé de grammaire (le premier agrégé africain), Senghor enseigne au lycée Descartes à Tours, de 1935 à 1938, puis au lycée Marcelin Berthelot à Saint-Maur-des-Fossés près de Paris. Ayant pris en 1933 la nationalité française, il est enrôlé dans l’armée en 1939 lors de la Drôle de Guerre. Fait prisonnier en juin 1940, il passe deux années en captivité dans des camps allemands en France. Réformé pour maladie, il est libéré en 1942 et reprend ses cours au lycée Marcelin Berthelot, tout en œuvrant dans la Résistance au Front national universitaire. Après la guerre paraissent ses premiers recueils de poèmes : Chants d’ombre en 1945, Hosties noires en 1948, Chants pour Naëtt en 1951. En 1948, paraît aussi à Paris son Anthologie de la nouvelle poésie nègre et malgache, pour laquelle Jean-Paul Sartre écrit une préface intitulée Orphée noir. Avec le Sénégalais Alioune Diop, Senghor organise un Rassemblement des Africains, d’où sortira la revue Présence africaine (n° 1, décembre 1947), appelée à devenir l’organe culturel du monde noir.
La fin de la guerre marque également son entrée en politique. Senghor est élu en 1945 député du Sénégal à l’Assemblée constitutive en France, sur une liste (Bloc Africain) parrainée par la S.F.I.O. Il sera réélu sans interruption sur des listes diverses voulant faire entendre la voix des Africains. Présent sur le terrain en Afrique et actif aussi à Paris, il revendique une autonomie de gestion des affaires locales et appelle de ses vœux une collaboration économique Europe-Afrique. Il occupe diverses fonctions officielles : secrétaire d’État à la Présidence du Conseil sous Edgar Faure (1955-1956) ; ministre conseiller auprès du Président de la Communauté en 1959 ; président de l’Assemblée fédérale de l’éphémère Fédération du Mali (regroupant l’ex-Soudan français et le Sénégal et dissoute en septembre 1960). Élu président de la République du Sénégal alors naissante, il contribue à la création de l’OUA (Organisation de l’Unité Africaine) en 1963. En 1962, il est confronté à une tentative de coup d’État du premier ministre Mamadou Dia et doit rétablir la paix intérieure. Ayant instauré le multipartisme, il s’efforce de maintenir la stabilité politique du Sénégal. Dans le domaine économique, il tente d’enrayer la détérioration générale de la situation en Afrique. Il se retire de la présidence de la république en décembre 1980. Abdou Diouf, alors premier ministre, lui succède.
Durant ces années d’intense activité politique, Senghor continue son œuvre de poète et de penseur africain. Il publie plusieurs recueils de poèmes (Éthiopiques en 1956 ; Nocturnes en 1961 ; Lettres d’hivernage en 1973) et des essais littéraires et politiques (Libertés, cinq volumes parus entre 1964 et 1992 ; Ce que je crois. Négritude, francité et civilisation de l’universel, 1988). Comme président du Sénégal, il soutient les initiatives internationales pour promouvoir la langue française. Entré à Paris en 1969 à l’Académie des sciences morales et politiques, il est élu en 1983 à l’Académie française. Il meurt le 20 décembre 2001 à Verson, en Normandie, où il s’était retiré depuis quelques années dans la région de sa femme.
Intellectuel accompli et homme d’action, Senghor apparaît sans conteste comme une personnalité marquante de la culture et de la politique en Afrique et comme une grande figure des lettres françaises au XXe siècle. Sa poésie conjugue aux rythmes africains une langue française pure, élégante, toujours juste. Son lyrisme confinant parfois à l’épique manifeste la profondeur et la richesse de l’Afrique ; il exalte le métissage culturel et la réconciliation des races. Ses vers, qui se déploient en longues suites incantatoires, laissent aussi entrer les rythmes africains « À l’appel du tam-tam bondissant véhément lancinant ». Son message est d’harmonie, de pardon, de fraternité universelle, mais aussi d’enracinement profond dans son peuple d’Afrique.
Bibliographie : S. Courteille, Léopold Sédar Senghor et l’art vivant au Sénégal, Paris, 2006 ; J.-R. de Benoist, Léopold Sédar Senghor, Paris, 1998 ; A. Guibert, Léopold Sédar Senghor, Paris, 1961 ; L. Kesteloot, Les écrivains noirs de langue française : naissance d’une littérature, Bruxelles, 1963.
J. Pirotte